• Le 2 février 1944

    Combat de Ruffieu, le 2 février 1944

     

    Le récit de Raymond GOLIN, survivant et blessé dans ce combat.


    Le 2 février 1944, vers les 14 h 30, arrive au camp du maquis de la ferme de Pré-Carré, BESNARD ( Jean CHARBONNEL ),

    notre agent de liaison qui apporte un ordre du Père SEIGLE, d'envoyer immédiatement 20 hommes pour effectuer un coup de main sur un dépôt de chaussures dans l'Isère.

    BOGHOSSIAN, un sergent-major de la Légion Etrangère qui a rejoint le maquis, adjoint du Père SEIGLE établit la liste des partants

    qui ont un quart d'heure pour se mettre en tenue, c'est à dire : pantalon vert, blouson de cuir et béret

    ( tous ces effets provenant de récupérations sur les Chantiers de Jeunesse d'Artemare.)

    L'ordre de départ est donné sous un soleil radieux car le mois de janvier a été printanier, et a fait disparaître la neige tombée en novembre et décembre.

    Par les sentiers nous allons rejoindre, à 2 Kms du camp, le village d'Hotonnes, où nos véhicules sont garés.

    A mi-chemin nous pénétrons dans un épais brouillard qui recouvre toute la vallée et qui aura beaucoup d'importance pour les évènements qui vont suivre.

    Nous arrivons au village et nous nous dirigeons vers une maison qui nous sert d'entrepôt. Nous sommes rejoints par un groupe du camp de Morez avec leur chef GRENOULAULT.

    Nous attendons l'ordre d'embarquement dans les camions lorsque arrive un motocycliste qui apporte un pli destiné au Père SEIGLE.

    Au bout d'un moment on nous informe que le coup de main est annulé.

    Les Forces du maintien de l'ordre de Vichy ( G.M.R., milice, gardes mobiles,) ont bouclé la Haute-Savoie, procèdent aux arrestations et attaquent les camps du maquis.

    Nous sommes en état d'alerte, retour au camp, un groupe restera pour effectuer un coup de main sur les armes des gardes-voies de Seyssel.

    Les camions repartent et sont remplacés par des voitures: une fourgonnette Juva 4 RENAULT et une C6. CITROEN. 17 hommes sont désignés pour l'opération,

    je suis du nombre et au cinq coup des 17 h du clocher nous partons dans le brouillard, serrés comme des anchois dans nos véhicules. 

    A deux Kms au croisement, à l'entrée du village de Ruffieu, nous nous trouvons nez à nez avec un détachement allemand. Comment était-il arrivé là ?

    Le matin vers les sept heures, une voiture et deux camions avaient traversé Hauteville et pris la direction du col de la Rochette,c'était un groupe de reconnaissance, en prévision de

    la grande attaque contre le maquis de l'Ain du 5 février. (Opération Caporal).

    En haut du col, à la suite des chutes de neige de novembre et décembre, cette neige lourde avait brisé de nombreux sapins qui obstruaient la route sur 500 mètres. 

    Toute la journée, le détachement allemand sciera et déblaiera son chemin et ce retard imprévu provoquera notre accrochage.

    Le détachement allemand aura quelques minutes d'avance sur nous et, sans doute pour demander son chemin, un officier est descendu s'adresser à un fermier.

    Apercevant notre voiture qui vient de stopper, il se dirige vers nous. Nous tirons au travers du pare-brise, ce qui déclenche la fusillade de part et d'autre.

    Nous avons 7 morts ( SCHENEDEIR, BRETONNIERE, VITTET, LAURENT, GENOD, VANDEVILLE, CHEVALIER. ) 3 blessés ( moi-même), 5 balles à la cuisse et aux jambes,

    le Père SEIGLE 1 balle dans le mollet, GONNET le pouce coupé par une balle. Pertes inconnues pour l'ennemi.

    Les autres participants sont : BAUVAGNE (Chef de l'AS de Seyssel), JOSE (l'Espagnol), RAFFIN, SEGUIN, GRENOULAULT (Chef du Camp de Morez), COLLOMBEL et X...

    Nos camarades tués sont découverts le lendemain matin affreusement mutilés, éventrés à coup de bottes, de crosses, et de baïonnettes. 

    Raymond GOLIN

     

                                                                                                                                  

     

                                                                                                                 

    Trois jours plus tard, des représailles eurent lieu et quelques hommes du villages furent déportés, ils ne revinrent pas.

    Aujourd'hui, chez moi, on se souvient...

                                                                                                                            

                                                                                                                     

    Le chant des marais a été écrit en juillet-août 1933 par des allemands internés dans un des premiers camps nazis (en tant que détenus politiques) à Borgermoor,

    situé dans la région marécageuse de l'Emsland, près d'Osnabruck 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 2 Février 2018 à 21:10

    Ce récit fait froid dans le dos. Mais rappelle l'abnégation des gens du maquis, qui croyaient en une cause et se battaient pour défendre la France. Quand je suis allée dans le Vercors l'année passée en mars, j'ai été saisie par ces monuments aux morts et l'histoire du  haut plateau intimement  liée au maquis. Il est bon de se souvenir. Seulement, est-ce que l'humanité a compris et tiré les enseignements de cette Histoire?

    Bises alpines.

    2
    Samedi 3 Février 2018 à 09:54

    Il faut récolter ces récits avant que leurs porteurs ne disparaissent!

    3
    Samedi 3 Février 2018 à 13:44

    C'est notre histoire , et, même triste et sanglante elle nous appartient. Comment peut on envisager de ne plus enseigner ces tranches d'histoire dans les écoles alors que certains de nos parents sont morts pour leur pays ? 

    Pour répondre à ton com : le pourcentage de don est tellement infime par rapport au travail fourni quotidiennement pour entretenir et faire vivre une passion.

     

    4
    Dimanche 4 Février 2018 à 15:47

    Une belle page d'histoire Martine.

    Un récit poignant. Je me le visualise connaissant les endroits.

    Belle fin de dimanche. Bises ensoleillées

    5
    Dimanche 4 Février 2018 à 19:00

    Merci pour ce précieux rappel de notre histoire. Il est toujours intéressant de connaitre les faits selon les dires même de ceux qui les ont vécus. 

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