• Fin pour 2018

     

     

    Et voilà, c’était mon dernier jour et ce n’est pas le plus aimé.

     

     

    Certes je suis trop contente de retrouver mon époux et ma chienne puis dans quelques jours des amis

     

    et enfin mes enfants et petits-enfants, sans parler du chat.

     Mais il est difficile de s’arrêter :

    le cerveau s’est habitué à la marche forcée ; le sac, ma coquille de tortue, semble fait de plumes sur mes épaules,

     

    même si les jambes font parfois souffrir un peu on oublie tout en marchant.

     

    Reprendre contact avec la réalité n’est pas si facile.

     

    Que dire des gens qui partent plusieurs mois ?

     

    J’aurai la tête ailleurs pendant quelques jours, c’est certain et une terrible envie de repartir très vite mais la vraie vie, ce n’est pas ça.

     

    Cheminer ainsi ouvre pourtant des horizons sur la nature humaine et ce qu’elle a de meilleur,

     

    Chacun met une parenthèse à sa vie, essaye d'oublier ses soucis dans le quotidien du chemin,

     

    dans ces lieus si chargés d’histoires anciennes ou même actuelles.

     

    Le pèlerin est unique dans sa démarche mais une communauté se forme et on ne se sent jamais seul.

     

     Ce récit a pu vous paraître succinct à certains moments, surtout dans les passages de ville.

     

    Je ne suis pas historienne et ma culture dans ce domaine est des plus pauvres.

     

    Alors je m’imbibe de l’ambiance du lieu et laisse mes pas me conduire.

     

    Et puis, comme je l’ai dit parfois, le pèlerin moderne est pressé.

     

    Certains passent d’ailleurs sans rien visiter,

     

    ce qui, à mon avis, s’assimile à une sorte de dédain de l’histoire du pays ou des villes qui nous accueillent.

     

    Le pèlerin d’antan savait peut-être mieux que nous prendre son temps.

     

    Il n’avait pas de montre, s’arrêtait certainement dans les villages, ne serait-ce que pour se soigner ou se reposer.

     

    Il ne faisait pas la course, dormait souvent dehors et savait regarder les étoiles.

     

    Cette année, le plus gros de mon parcours fut la Meseta (petite table).

     

    C’est un lieu particulier et redouté par beaucoup que je suis contente d’avoir connu (je ne le referais pas 36 fois, c’est sûr),

     

    fait d’immenses champs de céréales et d’un peu de tournesols qui apportent en été une note éclatante au milieu de l’or des blés

     

    ou des chaumes ou encore du brun des terres labourées. Il y fait chaud, très chaud parfois le jour et souvent frais la nuit (à cause de l’altitude).

     

    La Meseta est d’une grande monotonie, surtout quand on longe les routes, hormis quelques petites bosses !

     

    Bien qu’un gros effort ait été fait pour ménager des chemins à l’écart et la plantation d’arbres sera un plus pour les années à venir.

     

    Les pistes d’indien, rougeâtres, tout à fait à l’écart des routes bitumées et sans arbres aucun,

     

    nous plongent dans un univers peu connu en France

     

    et la solitude est grandiose quand on a la chance d’y passer sans groupe ni devant ni derrière, ce qui fut souvent mon cas.

     

    D’ailleurs quand des pèlerins bavards me suivaient, je m’arrêtais quelques minutes pour les laisser passer et replonger dans mes pensées.

     

    Le fait d’avoir une vision de l’immensité oblige à regarder les détails si on ne veut pas se perdre dans la désolation :

     

    un papillon et il y en avait beaucoup de ces petits papillons bleus ou jaunes, les fleurs du bord des chemins, les signes des autres marcheurs.

     

    Toutes ces choses que l’on voit mal quand le regard est attiré par des montagnes ou autres vallonnements.

     

    Et puis, il y a les villages, ce sont des bijoux posés dans cette nature où le regard se perd à l’horizon.

     

    De multiples églises à visiter (du moins à l’extérieur car peu sont ouvertes),

     

    un habitat en général bien entretenu et fleuri et une propreté qu’on ferait bien de copier chez nous, en France.

     

    Dans ces contrées monotones, on ne s’ennuie donc pas vraiment.

     

    En marchant au rythme de ses bâtons, on regarde souvent ses pieds et son ombre, devant et longue le matin, sur le côté  et très courte à midi.

     

    Toutes les idées passent par la tête, les bonnes et on est tout guilleret, comme les mauvaises et parfois la tristesse nous gagne.

     

    On déplore comme on s’extasie, surtout quand le soleil levant illumine si doucement les paysages.

     

    Quand la fatigue est là, que le sac semble lourd, on déploie des techniques comme de tenir ses bâtons sous le sac pour aider à le porter.

     

    La déprime gagne et chaque minute on se demande si on va en voir le bout

     

    et quand le village apparaît au loin, Le clocher n’est même plus un signe d’espoir, il reste parfois encore quelques kilomètres avant d’arriver.

     

    Et puis, il y a les fois où on se dit… Déjà !  Tout va bien, on est en super forme, il suffit de peu :

     

    des pensées positives, une rencontre sympathique, un gîte agréable.

     

    On vit au jour le jour avec beaucoup d'humilité sur un chemin si emprunté depuis des siècles

     

    que c’est comme une force qui nous pousse vers un but… Saint Jacques de Compostelle.

     

    On part, pour beaucoup, avec un projet personnel qu’on ne dévoile à personne,

     

    hormis les petits bouts de papier anonymes ou signés d'un prénom, trouvés par-ci-par-là.

     

    Pas besoin d’être chrétien pour cela, j’ai rencontré de tout : des athées, bouddhistes, sectaires, intégristes et j'en passe…

     

    Et c’est sans doute ce mélange qui fait la richesse du Camino, une sorte de fraternité qui n’attend rien qu’un peu de compassion,

     

    une tranche de vie en commun en dehors de la réalité purement matérielle

     

    (il en faut un peu quand même, on n'est pas qu'un esprit, il faut manger et dormir).

     

    Je ne m’étendrai pas sur le côté un peu trop commercial parfois que l’on fait de ce Chemin.

     

    Il faut reconnaître tout de même que grâce au renouveau du pèlerinage depuis quelques décennies, certains villages ont ressuscité.

     

     

    Voilà, ce Camino, qu’il soit français ou espagnol, c’est mon histoire à moi et je ne l’échangerais pour rien au monde.

     

    Pour finir, une citation…

     

    "Partir, ce n'est pas chercher, c'est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même.

     

    Partir n'a d'autre but que de se livrer à l'inconnu, à l'imprévu, à l'infinité des possibles, voire même à l'impossible.

     

    Partir consiste à perdre ses repères, la maîtrise, l'illusion de savoir et à creuser en soi une disposition hospitalière

     

    qui permet à l'exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but. "La nuit de feu" -

                                                                                                                          (Eric-Emmanuel Schmitt)


     

     (Afin de rétablir l’équilibre, je remercie mon mari de retenir pour moi, depuis la maison , sur mes indications, les gîtes où je dors.

                                                         Il parle couramment l’espagnol que je ne fais que baragouiner et c’est une grande aide, un souci en moins) 

    « PonferradaPèlerinage de Saint Jacques de Compostelle : table des matières »

  • Commentaires

    1
    jenovefa
    Mercredi 26 Septembre 2018 à 18:55

    Un périple qui ne semble pas facile, mais sans doute bénéfique, surtout pour le lacher-prise dans ce monde ultra moderne qui souvent nous dépasse;

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    2
    Sylvie
    Mercredi 26 Septembre 2018 à 23:54

    Merci Martine d'avoir partagé ton Chemin avec nous.

    Comme chaque année je t'ai suivie avec beaucoup d'intérêt.

    Et bravo à ton mari pour son aide!

    Tu réserves tous tes gîtes avant ton départ de la maison?

     

     

      • Jeudi 27 Septembre 2018 à 07:14

        Non, j'ai un guide des gîtes avec moi, il a le même à la maison et deux jours à l'avance je leui demande de téléphoner à tel ou tel gîte que j'ai repéré.

      • Sylvie
        Vendredi 28 Septembre 2018 à 21:02

        Merci pour ta réponse.

        J'en déduis que tu as eu du réseau partout !

         

    3
    Felix
    Jeudi 27 Septembre 2018 à 07:32
    Oui il y a un problème je ne vois pas afficher le texte ni les images est-ce que tu peux m'envoyer ça par photo s'il te plaît
      • Jeudi 27 Septembre 2018 à 07:56

        C'est curieux, ça doit venir de ton téléphone. Je vois ce que je peux faire. Demain il y aura la table des matières de tout le chemin depuis Le Puy en Velay. Tu pourras te balader où tu veux (il y aura les liens). J'ai regardé certains de mes chemins, il y a vraiment de supers beaux coins.

    4
    Jeudi 27 Septembre 2018 à 09:16

    Bonjour Martine

    Très bon texte qui résume assez bien ce que ressent  le marcheur en Espagne qu'il aille ou pas vers Santiago. Bien que non pèlerin, j'ai bien aimé tes articles illustrés par tes photos d'excellente qualité qui me replongeaient dans des endroits où je suis passé, sans doute trop vite. Ah ! s'il y avait quatre fois moins de monde sur ce Camino Francés, ce serait tellement plus sympa ( l'année prochaine quand tu repartiras de Ponferrada, tu regretteras la Meseta et au-delà les paysages de la Rioja et  de Navarre, les 100 derniers kilomètres sont l'occasion pour les espagnols d'obtenir à peu de frais la fameuse Compostela dont ils pourront mettre une photocopie avec leur CV dans leurs recherches d'emploi dévoyant ainsi l'esprit même de ce Camino). Mais arrivée à Santiago, la pèlerine trouvera sa récompense !

    Bises

     

      • Jeudi 27 Septembre 2018 à 10:14

        Et oui je m'y prépares déjà à ces 100derniers kilomètres.

    5
    Jeudi 27 Septembre 2018 à 09:17

    Hello Martine. Tout d'abord un grand merci pour ce partage avec nous de tes impressions de pèlerine. On y a senti toutes tes émotions, des positives aux négatives. Je n'ai jamais fait ce chemin mais j'ai beaucoup marché et je marche encore pas mal. Je connais bien ces moments de lassitude où on a envie de tout envoyer valser mais quand le but de la randonnée se voit, on sent les muscles se relâcher et on est heureux. Tout simplement. C'est cela la magie de la marche.

    Quand je marche, j'aime bien méditer. Je pose un pied devant l'autre, j'ai la sensation du sol que je foule et des bruits qui m'entourent. J'apprécie entendre le vent dans les arbres, les cailloux qui roulent sous les pieds, les bruits de la forêt et des animaux cachés. Tout comme toi, quand je dépasse des gens qui n'arrêtent pas de parler, je les dépasse très vite pour ne plus les entendre. Et si d'autres me talonnent en se racontant mille choses, je m'arrête pour les laisser passer et ne plus les entendre.

    La marche est bénéfique pour le corps et l'âme et faire un bout du chemin de Saint-Jacques doit encore plus grandir l'âme. Merci donc pour ce beau partage et à l'année prochaine! Bises alpines et belle journée.

    P.S. Ton texte est très beau!

    6
    Jeudi 27 Septembre 2018 à 14:42

    Merci de nous avoir fait partager ton chemin...

    Expérience unique, différénte pour chacun, mais toujours enrichissante

    7
    Vendredi 28 Septembre 2018 à 00:08

    Cette année je n'ai pas été en mesure de suivre "ton" chemin,mais petit à petit je vais le parcourir car ça m'interesse vraiment. Tes explications permettent d'avoir une vraie vision de ce parcours si célébre. Je te félicite pour tes photos et tes commentaires ,je passe de très bons moments d'évasion immobile. Un grand merci de nous les faire partager.

      • Vendredi 28 Septembre 2018 à 08:46

        Merci Légio. J'ai cru comprendre que tu avais eu des soucis. J'espère que ça va mieux.

    8
    Vendredi 28 Septembre 2018 à 17:22

    coucou Martine

    ton récit coule si facilement que même sans images on ne peut que te suivre dans ce chemin de réflexion , de concentration sur son moi intérieur .

    tu as bien choisi tes photos avec le plus souvent de beaux paysages et je t'ai accompagné même si toute seule en voyant le chemin à perte de vue , je me serais découragée plus d'une fois .  

    9
    Mercredi 3 Octobre 2018 à 15:13
    Pastellle

    Merci pour ton résumé, on a eu plaisir à te suivre, que ce soit par tes images ou tes mots.... Ca fait rêver et ça fait réfléchir aussi. Une belle expérience. 

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